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Qu'est-ce que le RIUESS ?

MANIFESTE DU RIUESS

La nécessaire contribution des Universités

au développement de l'Economie Sociale et Solidaire (ESS)

 

Masters, licences professionnelles, diplômes universitaires, doctorats, articles, livres, colloques, séminaires, forums, rapports de recherche consacrés à l’ESS... démontrent que l’université, après avoir ouvert la voie il y a plus de vingt ans, est de plus en plus présente et accompagne massivement le développement de cette « autre économie ». Les valeurs communes de co-construction des projets et de diffusion ouverte de savoirs, accessibles aux étudiants sans critères de ressources et au travers de la formation initiale et continue quel que soit l'âge, favorisent ces rapprochements entre les organisations de l’ESS et l‘université. Pour autant, l'ESS demeure encore aujourd‘hui un domaine de recherche et de formation universitaires imparfaitement reconnu et relativement ignoré par les pouvoirs publics.

Regroupés en réseau informel depuis mai 2000, le Réseau interuniversitaire de l’économie sociale et solidaire RIUESS, les enseignants et chercheurs de diverses disciplines – économie, sociologie, gestion, droit, communication, sciences politiques, géographie… –, originaires aujourd’hui d’une trentaine d’universités différentes, confrontent ainsi leurs travaux et enrichissent mutuellement leurs offres de formation dans un domaine d'activités en expansion. Ce réseau francophone pluri et transdisciplinaire, s‘il s‘est d‘abord organisé autour des universités françaises, est de plus en plus ouvert sur l‘international. Depuis 2000, notamment à travers ses rencontres annuelles, le réseau aborde des thématiques d‘actualité, qui rejoignent les préoccupations des organisations de l'ESS autour de trois enjeux.

Le questionnement sur l’identité de l’ESS

C'est un fait aujourd'hui bien établi, l‘ESS manifeste une résistance particulière aux impacts de la crise globale et profonde de nos sociétés, tout en apportant des solutions alternatives aux défis économiques, sociaux, politiques, territoriaux et environnementaux qui sont soulevés. Alors que les activités qui relèvent de l'ESS se diversifient, les pouvoirs publics tentent de stabiliser la définition du secteur. Cette question de l‘identité demeure cependant entière, comme le révèle la tension entre ceux qui désignent ainsi un mode d‘entreprendre autrement et ceux qui affirment plus largement que l'ESS est un mode d'agir autrement : produire bien sûr mais également autoproduire, consommer, épargner, apprendre, décider, etc., autrement.

Le premier principe qui a guidé la création du RIUESS est précisément que la problématisation de cette question de l‘identité est consubstantielle de l‘ESS comme fait social et politique historiquement daté, et qu'à ce titre elle représente un objet de recherche et de formation pour l‘université. L'ESS a ainsi été réinterrogée du point de vue de la problématique des communs, de l'innovation sociale, de l‘entrepreneuriat social, de la coopération, de ses valeurs et de ses statuts, du travail et de l‘emploi, de la démocratie, des modèles de développement ou encore des politiques européennes.

La co-construction des savoirs

Deuxième principe fondamental, le réseau a fait de la proximité sociale et géographique avec les territoires et de l'observation de terrain une de ses valeurs centrales. Il entend ainsi dépasser, par l‘implication des chercheurs, le cadre de la simple démarche expérimentale ou des théories économiques « hors sols ». Il aborde également le phénomène de l’ESS avec un positionnement scientifique interdisciplinaire qui se veut compréhensif de son originalité, parce qu‘il est potentiellement porteur d‘un projet de transformation sociale et écologique. Comme pour tout fait social, l‘étude de l‘ESS réclame l‘utilisation d'une méthodologie qui permette la mise à distance, sans pour autant s'abstraire des enjeux normatifs et politiques inhérents à ces mêmes pratiques. ll s'agit notamment pour les chercheurs impliqués d'essayer de dépasser la traditionnelle opposition de principe entre ceux qui, adoptant une approche critique univoque, réduisent l‘analyse de l‘ESS a un sous-secteur des politiques publiques, et ceux qui, sous couvert d'expertise gestionnaire, se contentent d’affirmer la nécessaire rationalisation de son efficacité économique ; ou encore entre ceux qui rapportent son développement au désengagement du secteur public et ceux qui souhaitent renforcer les logiques entrepreneuriales, au service de finalités sociales sur le modèle du social business, voire dans le cadre problématique de la Responsabilité sociale des entreprises.

Le dialogue interdisciplinaire favorise la compréhension complexe de l’ESS que nous défendons, dans ses dimensions économiques, sociales, environnementales mais aussi politiques. Les rapports noués avec les acteurs se veulent ainsi plus symétriques et ne peuvent se réduire à une approche critique surplombante. Ils ne sont pas non plus réductibles a une posture d‘expert chargé de piloter les mutations du secteur dans ses tentatives de réponse aux crises de l’Etat social et du mode de production capitaliste. Cette relation particulière avec les organisations étudiées participe d'une démocratisation de la recherche et des savoirs.

La conception des formations offertes dans le réseau découle de ce positionnement. L‘articulation recherche-formation est au demeurant une caractéristique importante des universités. Les recherches se nourrissent de formations construites le plus souvent au plus près des besoins des territoires, en liens directs avec les acteurs de 1’ESS, tout en venant les alimenter. Le développement des services sociaux, l’économie collaborative, la transition écologique, le financement de l'ESS, l'innovation sociale et l‘entrepreneuriat, l‘insertion par l'activité économique... autant de thématiques abordées dans ces formations pour répondre aux enjeux de l’ESS et aux aspirations des jeunes comme des adultes, dans le cadre de la formation initiale et tout au long de la vie. Il s‘agit tout autant de professionnaliser les étudiants que de contribuer à un développement soutenable et a une société plus juste et démocratique par la mobilisation d‘une réflexion critique. L‘implication des acteurs dans les formations est à nouveau centrale à la fois dans la définition des besoins mais également dans la transmission proprement dite des savoirs laquelle rejoint souvent les pratiques de l‘éducation populaire.

L’affirmation de la portée démocratique de l'ESS

En effet, que ce soit dans leurs recherches ou dans les formations qu'ils portent, les membres du RIUESS reconnaissent d‘emblée la dimension collective et la gouvernance démocratique des organisations de l’ESS. Ce principe les différencie des entreprises privées à but lucratif et des entreprises publiques. A cette reconnaissance de la pluralité des entreprises est associée une conception plurielle de l’économie, non réductible au marché mais prenant en compte également le rôle central de la redistribution et de la réciprocité dans la satisfaction des besoins. Cette approche est notamment mobilisée lorsqu‘il s'agit de présenter la diversité des ressources que les organisations de l‘ESS sont amenées à mobiliser selon leur secteur d'activité. Elle conduit à affirmer l'existence d'une dimension politique qui dépasse la seule question du fonctionnement démocratique des entreprises de l'ESS, en soulevant la question  de la place du marché dans nos sociétés.

Par ailleurs, les membres du réseau reconnaissent la nécessité d'adapter les méthodologies de projets, les outils de gestion comme les indicateurs d’évaluation afin de souligner et de renforcer l’originalité des initiatives des acteurs de l’ESS. Il s'agit ici de développer notamment des outils de pilotage qui permettent d‘évaluer l’utilité sociale et environnementale des projets en dépassant les évaluations quantitatives et monétaires standard dominantes.

Enfin, les membres du réseau entendent s'inscrire d'une manière ou d‘une autre dans le nécessaire processus de transformation sociale et écologique qu‘imposent les mutations de notre modèle de développement, et ce dans une perspective d‘émancipation démocratique des individus, notamment des jeunes.

 

L’association du RIUESS

En se constituant en réseau formalisé depuis 2016, le RIUESS entend prolonger et renforcer la démarche qui est la sienne depuis l‘origine. Il se donne ainsi pour ambition de participer pleinement aux débats collectifs actuels sur les devenirs possibles de l'ESS, notamment par une plus grande visibilité de ses positions et analyses.

La recherche et la formation universitaires sont des composantes à part entière du dynamisme de l'ESS. Leur capacité à alimenter le débat public et les réflexions pour la co-construction de l’action publique mériteraient d’être davantage reconnues par les pouvoirs publics, tant européens que nationaux et territoriaux.

www.riuess.org

Contact : manifeste@riuess.org

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