Attention, en raison des grèves, les dates du colloque ont changé : il se déroulera les 16 et 17 mai.
Le Colloque se tiendra à l'IGR IAE
Le programme est téléchargeable en cliquant ICI.
Modernité des idées
et pratiques fondatrices
de l'économie sociale et solidaire
Un atelier doctoral se tiendra le mercredi 16 mai 2018 au matin. Pour plus d'informations, cliquez ici.
APPEL A COMMUNICATIONS (téléchargeable ici)
L’économie sociale et solidaire (ESS), bien qu’elle apparaisse aujourd’hui au coeur de nouveaux débats et de postures, demeure encore mal connue. Malgré cela de plus en plus nombreux sont celles et ceux qui s’en revendiquent, ou qui se positionnent par rapport à elle. L’économie collaborative ou de partage, le « social business », le financement par la foule (crowdfunding), l’aspiration à un modèle économique plus éthique, plus humain et, à une société plus saine, plus conviviale, sont autant d’expressions contemporaines qui viennent mettre à mal le débat séminal entre les tenants d’une économie sociale « historique » - celle des grandes familles institutionnelles (associations, coopératives, mutuelles et fondations) - et ceux qui défendent l’idée d’une économie solidaire qui ne repose pas seulement sur des statuts juridiques, mais également sur des assises à la fois sociales et politiques (économie communautaire aux Etats-Unis d’Amérique, économie populaire en Amérique Latine ou en Afrique), par exemple. Les deux mouvements interrogent les périmètres de l’ESS contemporaine, et nécessitent que les acteurs comme les citoyens y voient « plus clair » à son sujet.
L’objectif de notre colloque RIUESS 2018-Rennes est de contribuer à clarifier la vision de ce qu’est ou devrait être l’économie sociale et solidaire du XXIème siècle.
Pour cela il nous semble nécessaire de revenir sur les idées et les pratiques fondatrices, portées par les associations, les systèmes d’autogestion(s) et les stratégies et les principes d’émancipation, en interrogeant leur modernité dans le contexte du XXIème siècle. Dès le début du XIXème siècle, les ouvriers se regroupent dans des sociétés de secours mutuels, des associations de production, des associations de consommateurs,… afin de mutualiser les risques, le travail, la demande,… Les mouvements ouvriers et paysans convergent en pensant la coopération contre le capitalisme et la concurrence.
La mutualisation et la coopération demeurent-elles encore des valeurs qui fondent les organisations de l’ESS ? Quid des associations, des mutuelles, des coopératives et des organisations de solidarités confrontées d’un côté au désengagement de l’Etat-providence du champ de la solidarité et d’un autre aux logiques de marchandisation. Historiquement, l’autogestion a été adoptée par les associations ouvrières et paysannes dès les débuts de la révolution industrielle. Cette pratique fortement présente dans les organisations de l’ESS, peut aussi concerner des entreprises à but lucratif. Comment l’autogestion est-elle pratiquée dans les organisations de l’ESS et dans les entreprises commerciales aujourd’hui ? S'émanciper, c'est s'affranchir d'un joug, se libérer de la servitude dans tous les domaines : moral, intellectuel, politique, économique et sociale. Les premières expériences ouvrières revendiquaient une volonté d’émancipation des ouvriers. L’émancipation est-elle encore au coeur des actions mises en oeuvre par les organisations de l’ESS ?
Ainsi, le colloque tentera d’apporter des réponses aux questions suivantes : En quoi, les organisations de l’ESS du XXIème siècle sont-elles les héritières de ces premières expériences fondées sur l’association, l’autogestion et l’émancipation ? Comment les organisations de l’ESS mettent-elles en oeuvre aujourd’hui ces fondamentaux ? Comment ces fondamentaux ont-ils traversé deux siècles d’histoire à travers le monde ?
Axe 1 : S’associer
Les premières associations sont identifiables dès l’Antiquité et sont présentes sur tous les continents, même si c'est sous leurs formes moyenâgeuses, celles des guildes, jurandes ou autres corporations que nous les connaissons le mieux en Europe. L’association est, dans ses premières manifestations, étroitement encadrée, que ce soit par les institutions telles que les religions ou l’État ou encore de part leurs relations étroites avec les logiques de solidarité traditionnelle. A partir du 19ème siècle, se développe un associationnisme plus conforme aux valeurs de la modernité, fondé sur la liberté d’adhésion, l’entraide, le self-help, la démocratie économique, l'égalité... Cet associationnisme d'un ordre nouveau va jouer un rôle déterminant dans les références historiques de l’économie sociale et solidaire. Les courants politiques qui ont accompagné ce mouvement sont multiples (d'abord le socialisme et ses nombreuses déclinaisons, mais aussi le christianisme social, et plus tard le solidarisme…). Si l’associationnisme promeut, dans cette forme, l’intérêt mutuel et les logiques réciprocitaires, une partie des associations ont continué à se développer sur des logiques caritatives ou philanthropiques, sous une forme plus verticale, laissant moins de place aux destinataires de l’activité.
Des recherches socio-historiques sont à l'évidence encore à mener pour comprendre les fondements du fait associatif dans toute sa diversité. Pour autant, il convient de s’interroger sur les pratiques et les mouvements actuels aux regards des transformations historiques. Comment les réalités contemporaines font-elles écho aux valeurs et à l’histoire du mouvement associatif ? Quels sont les fondements idéologiques des associations aujourd’hui ? Comment ont-ils évolué ? Sont-ils encore mis en avant et assumés ? Y-a-t-il une unité ou au contraire une diversité des valeurs défendues dans les associations aujourd’hui ? Quelle place accordent-elles aux destinataires des actions menées tout autant qu’aux salariés et bénévoles ? La démocratie économique est-elle encore une visée politique de l’association ou s’est-elle effacée devant les injonctions gestionnaires ? L’émergence et le développement de l’entrepreneuriat social remettent-ils en cause la démocratie associative et plus largement la pertinence des principes associatifs ? Qu’en est-il des innovations organisationnelles et sociales cherchant à promouvoir la gouvernance multi parties-prenantes ? Les normes institutionnelles et les pratiques de l’association collégiale ont-elles vraiment été étudiées et peut-on identifier aujourd'hui encore des expérimentations de modèle participatif et de logiques collaboratives ?
Axe 2 : S’autogérer
L’autogestion peut être définie comme la réappropriation de la décision par ceux qui auront à l’exécuter et à la mettre en oeuvre, qu’il s’agisse de production, d’éducation, de consommation, de vie collective, de politique… Il s’agit d’annihiler la double distinction « conception/exécution » et « dirigeants/dirigés ». Si le terme est historiquement situé autour de la diffusion de l’expérience yougoslave, d’un socialisme présenté comme démocratique et décentralisé, l’idée de l’appropriation de la décision par les travailleurs eux-mêmes apparait dès l’origine, à la fois chez les théoriciens des socialismes mais aussi dans les discussions du mouvement ouvrier en pleine construction. Sur le « terrain », les ateliers de la Commune de Paris, la Colonie libertaire L’essai d’Aiglemont (1903-1907), les Kibboutz (dès 1909), les collectivisations des anarchistes républicains espagnols en 1936-1937, les Comités de gestion et les confiscations collectives en France à la Libération, la récupération des biens vacants en Algérie en 1962 sont autant d’exemples d’expérimentation de ce projet. C’est l’expérience yougoslave qui introduit en France dans les années 1960, le terme d’autogestion. Relayé autour de 1968 et des années qui suivent par la CFDT, le PSU, la JOC, la JAC… elle est expérimentée entre autres par le Centre universitaire de Vincennes, par le Groupe d’action municipale de Grenoble, par les salariés de LIP… Plus récemment le mouvement Zapatiste au Chiapas, le phénomène des entreprises récupérées en Argentine, les réseaux du logiciel libre, les Fablabs, Food coop, la SAPO Ambiance Bois à Faux la Montagne, les Tiers-Lieux,… peuvent être reliés directement ou indirectement à cette filiation autogestionnaire.
Au-delà de la propriété collective des moyens de production, l’autogestion implique-t-elle le partage du savoir et du pouvoir, mettant en jeu la circulation de l’information, les modes d’expression et de délibération, la diffusion de la formation, l’alternance des tâches ? Quelle est la modernité de l’idée autogestionnaire des organisations et des mouvements de l’ESS, tant en France, en Europe que sur les autres continents ? Comment les collectifs de travail se structurent-ils en situation d’autogestion ? Les rapports de domination persistent-ils et sous quelle forme ? Quelles règles se donnent les collectifs pour s’assurer que l’engagement dans l’autogestion est bien effectif et partagé par tous ? L’autogestion s’affronte-t-elle réellement au mode de production capitaliste ou peut-elle constituer un simple mode d’organisation favorisant l’engagement dans le travail ? Quelles sont les nouvelles pratiques et théories autogestionnaires ? Quels choix opèrent-elles entre tradition et innovation, entre utopie et concrétisation ? S’inscrivent-elles dans l’histoire des mouvements sociaux autogestionnaires ou s’en distancient-elles ?
Axe 3 : S’émanciper
S’émanciper, c’est s’affranchir des liens de servitude et de l’arbitraire des préjugés. Depuis plus de deux siècles, des hommes et des femmes oeuvrent chaque jour au sein de leurs « ensembles organisés » (associations, coopératives, mutuelles et syndicats) pour transformer la société autour des valeurs de l’ESS. Ils visent à davantage d’égalité, de créativité et, par conséquent, à l’émancipation des plus faibles et des exclus. Dans le cadre de cet appel à communication, il s’agit de questionner la nature et les significations de l’émancipation des acteurs de cette économie sous différentes formes (économique, sociologique, citoyenne, sociale). Il s’agit également d’évaluer l’actualité et la justesse des propositions des acteurs de l’ESS sur la satisfaction des besoins de l’Homme avant le profit, au regard des questions sociales, solidaires, économiques et politiques contemporaines ainsi que des défis d’aujourd’hui à relever.
Au travers d’expériences ou d’études de cas, il sera possible d’interroger le processus de transformation sociale porté par des acteurs (salariés, volontaires, habitants,…) par des pratiques de participation, d’éducation populaire et de démocratie, que ce soit au niveau de l’entreprise ou des territoires. Par ces initiatives, les structures ou collectifs de l’ESS arrivent-ils à s’extraire des routines et représentations ou, au contraire, ces dynamiques reproduisent-elles des normes toujours aliénantes ? Quelle est l’évolution historique et sociale des mouvements sociaux dans le champ de l’ESS et de leurs projets de transformation et d’émancipation des salariés ? Quelle est la modernité des idées, des pratiques et des processus fondateurs d’émancipation, une fois actualisées et traduites dans des initiatives concrètes ? A travers la diversité et la richesse des mouvements d’émancipation (des femmes, des communautés, des précaires, des mouvements LGBT, …), quels sont les freins et les ressources en jeu dans ces dynamiques ? Quelles sont les réponses concrètes et les actions novatrices portées sur les territoires par des acteurs de l’ESS pour relever les défis des sociétés contemporaines (pauvreté, inégalités économiques, sociales et écologiques) afin d’instaurer de nouveaux paradigmes de pensées et d’actions ?
Les contributions attendues relèvent des sciences humaines et sociales (Economie, Droit, Gestion, Sociologie, Histoire, Géographie Humaines et Sociale, Sciences Politiques, Philosophie, Communication), et cherchent à aider à « voir clair » au sujet de l’ESS, de ses organisations (entreprises et institutions), de ses mouvements historiques, économiques, financiers et politiques d’hier à aujourd’hui.